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Actualité de la recherche

À propos du débat sur l'euthanasie. Trois questions à Jean-Yves Goffi

Propos recueillis par Catherine Halpern

Sciences Humaines N° 154 - Novembre 2004

Le ministre de la Santé vient d'annoncer qu'un projet de loi sur la fin de vie sera déposé à l'Assemblée nationale mais qu'il n'y aura pas dépénalisation de l'euthanasie. Quel peut être l'apport de la philosophie dans un débat où les opinions semblent inconciliables ?

Si l'on attend d'un philosophe qu'il apporte des opinions inédites et géniales à propos de quoi que ce soit, on risque d'être déçu. En outre, on se retrouvera au mieux avec une opinion supplémentaire. Mais on peut espérer qu'un philosophe soit capable d'évaluer des arguments avec un minimum de compétence ; par exemple, Philippe Douste-Blazy a bien déclaré qu'il n'était pas question de dépénaliser l'euthanasie mais a ajouté : « Car cela remettrait en cause l'interdit du droit de tuer. »

Un ministre a déjà, j'imagine, assez à faire avec ce qui relève de son ministère ; mais un philosophe, dont c'est le métier, peut se demander ce qui, moralement parlant, justifie un interdit comme celui du meurtre. L'acte interdit possède-t-il des propriétés qui le rendent intrinsèquement mauvais et telles qu'il soit toujours injuste de l'accomplir ? Ou bien la levée de l'interdit aurait-elle des conséquences dramatiques pour les individus ou les institutions sociales ?

Selon la réponse apportée, on met en oeuvre des [...]

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Dans votre livre Penser l'euthanasie, vous dénoncez l'amalgame fait entre l'euthanasie et le nazisme. Vous remettez en particulier en cause l'argument de la pente fatale, selon lequel si on accepte de provoquer la mort de certains malades qui le souhaitent et qui souffrent affreusement, on en viendra à mettre à mort des indésirables (malades mentaux, handicapés lourds, improductifs, etc.) contre leur volonté. Pouvez-vous expliquer votre position sur ce point ?

La question peut signifier : « Pouvez-vous expliquer pourquoi l'argument de la pente fatale doit être contesté ? » Cet argument présente, dans la plupart de ses interprétations, et en tout cas lorsqu'on en fait l'usage que vous dites, de sérieuses confusions qui le rendent douteux.

La question peut encore signifier : « Pouvez-vous expliquer ce qu'il faut faire des "indésirables" ? » Les nazis décrétaient que les uns vivraient et les autres mourraient en ayant recours à toute sorte de critères stupides (pureté de la race, contribution à l'édification d'un Reich de mille ans et autres billevesées).

Mais quand bien même, par extraordinaire, ces critères auraient été intelligents, la question n'est pas là : la question est que l'évaluation de l'importance d'une vie ne peut se faire qu'en première personne. Au-delà, c'est de la tyrannie.

Votre livre ne semble pas tant vouloir défendre une thèse que présenter différentes argumentations, lesquelles sont fonction à chaque fois de la théorie morale adoptée. Est-ce à dire que, finalement, chacun doit choisir en fonction de ses propres valeurs ou conceptions de la morale, qu'on ne peut donc espérer atteindre une position commune sur l'euthanasie ?

Il semble qu'un consensus existe déjà en ce qui concerne trois points : l'objectif de la médecine est de préserver et de restaurer la santé de l'individu ; lorsque cet objectif ne peut plus être atteint, il est d'assurer des soins palliatifs et un accompagnement de fin de vie aussi excellents que possible ; dans cette perspective, il peut être mis fin au traitement, même si cela doit entraîner le décès du malade.

Restent les cas exceptionnels où une simple interruption du traitement entraînerait une agonie épouvantable ; les cas où, pour simplifier, laisser mourir serait pire que donner la mort.

Peut-on alors, à la demande réitérée et lucide d'un malade, lui donner la mort ?

A mon sens, oui ; mais c'est là que se situe la ligne de fracture relative à l'euthanasie.

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