Conscience, langage et philosophie.

La conscience n'est ni une chose, ni un rapport aux choses; elle est dialogue avec soi-même à partir de l'obligation du dialogue avec les autres qui, grace au langage acquis des autres, nous permet d'advenir à la réprésentation construite d'un monde sensé et de soi et des autres comme sujets; représentation qui nous fait humains. Avoir conscience de quelque chose c'est se parler de la chose, ou mieux des processus objectifs ou subjectifs de notre expérience réelle et/ou imaginaire, pour les connaître et/ou les utiliser. Or cette parole est toujours sociale et intersubjective, ne serait-ce que sous une forme intériorisée. Elle est mouvement corporel (neuro-biologique), cognitif (représentations) et linguistique (enchaînement des mots et des propositions) et psychologique (le jeu des émotions et des désirs et intentions personnels) en relation réelle et/ou imaginaire à l'expérience du monde et des autres. C'est pourquoi l'individu conscient n'est et ne peut être fermé sur les autres, une monade sans porte ni fenètre (Leibniz); il est nécessairement un je qui est un autre et il est toujours en jeu avec soi et les autres, jeu dont il est l'enjeu pour lui-même (la recherche du bonheur comme contentement de soi).
Nietzsche dévalue la conscience car il reste hanté par le mythe nostalgique et naturaliste de la vie comme puissance animale inconsciente, prééthique et innocente (ce en quoi il appartient à la culture allemande jamais libérée de la religion de la "bonne nature "et du rêve "d'une authenticité préintellectuelle, voire préconsciente"). Comment passer de l'en deça de la morale à l'au delà que serait une éthique réaliste, rationnelle et pragmatique et quel doit être le rôle de la philosophie critique et libérale dans ce passage? C'est effectivement un problème qu'il nous faut poser si l'on veut rechercher les conditions de possibilité d'une conscience post-chrétienne de soi et des autres éthiquement efficace et dépassionnée. 
Ainsi la conscience ne peut être que conscience de quelque chose de réel, de possible (ou de jugé comme tel ou non), hors d'elle même, en relation de dialogue avec les autres en elle-même; sauf à n'être conscience de rien et donc à n'être rien et à s'abolir dans l'inconscience. Quant à la conscience de soi en tant qu'être conscient; elle transforme nécessairement la conscience-sujet en conscience-objet réel (ou imaginé comme tel). Pas plus que le regard ne peut se regarder lui-même sinon comme regard regardé à travers ce qu'il regarde, ce qui est déjà très problématique, la conscience ne peut se regarder regardant sans objectivation de ce qu'elle regarde; elle s'institue toujours comme soi (dedans) dans une relation nécessaire à un non-soi (dehors). Cette division/relation est insurmontable et toute prétention à la surmonter est vouée au délire mystique de l' absolu ineffable et extatique.
Le savoir absolu de Hegel dès lors qu'il s'énonce en concepts se défait immédiatement en savoir relatif ou savoir des relations dialectiques; ne surnage que le désir encyclopédique d'une totalité concrète parfaitement inaccessible qui, tel Narcisse, se noie en se contemplant dans son propre reflet.


1) De la conscience

La conscience est, dit-on, ce qui distingue l’homme de l’animal. Mais cette distinction est problématique : veut-on parler de la conscience sensible interne et externe ? alors tout semble allez contre cette opposition : les animaux font, comme nous ( ?), l’expérience du monde extérieur et celle du plaisir et de la douleur ; mais si l’on fait référence à la conscience réfléchie comme activité d’utilisation et de production de représentions générales dans le but de nous interroger sur et de comprendre et/ou d’expliquer nos expériences réelles ou imaginaires la coupure semble d’autant plus s’imposer qu’elle exige le langage symbolique conventionnel, métaphorique ou conceptuel et l’acte de parole dont seuls les hommes, jusqu'à preuve du contraire, se montrent capables. De plus, on peut faire l’expérience que la conscience sensible est, chez les hommes, elle-même tributaire de la conscience réfléchie donc du langage et de la parole : les sensations externes ainsi que la douleur et le plaisir linguistiquement interprétés et exprimées changent de sens, et d’effets; c’est dire que la distinction entre les hommes et les animaux réapparaît même en ce qui concerne la conscience sensible (par son couplage avec la réflexion), quoiqu’en disent les naturalistes de tous poils.

Je propose la définition suivante :
La conscience est l’aptitude à faire usage et/ou à produire des représentations générales et abstraites pour comprendre l’expérience réelle et/ou imaginaire concrète et partant de lui conférer un minimum d’ordre et de sens contrôlables par le moi-sujet, lequel est à la fois assujetti à des contraintes (naturelles, sociales, techniques et culturelles/langagières) et acteur de ses projets.
Ce moi-sujet, en tant qu’il est conscient, se reconnaît (à tort ou à raison) comme le source autonome de son savoir et de sa pratique. La conscience est donc indissociablement conscience du monde, et conscience de soi et des autres car elle implique nécessairement le langage comme condition du dialogue avec les autres et avec soi. Le langage, en tant que système conventionnels et universel (en tout cas universellement traduisible) de signes symboliques, induit, par l’usage des pronoms personnels et des noms propres, l’idée de subjectivité agissante (je, tu, il) ; il est donc, à la fois, la condition nécessaire de la pensée réflexive universalisable de l’expérience individuelle et dès lors que chacun, dans la relation parlée et parlante, est requis comme sujet, de la pensée consciente (de soi) personnalisée et personnalisante.

2) Fonctions du langage et formes de la conscience

Définir le langage comme la condition de la conscience humaine réflexive du monde et de soi ne suffit pas à caractériser les différentes formes de cette conscience ; il convient pour cela de montrer en quoi ces différences sont tributaires des différentes fonctions du langage symbolique. La présentation de ces formes de conscience comme se succédant dans le temps (Hegel ou A.Comte) qui voit dans l’histoire de la conscience un progrès nécessaire de la pensée prenant toujours mieux conscience d’elle-même, de son pouvoir et de ses conditions d’efficacité est à la fois juste et erronée.
- Juste en cela que l’évolution des sociétés modernes vers le pluralisme idéologique, le libéralisme politique, le capitalisme économique comme mode de production et d’échange dominant et l’autonomie rationnelle et critique des sciences et des techniques ont privilégié en tant que pensée légitime dans les couches sociales dominantes et au travers de l’éducation à prétention universaliste qu’elles dispensent, la pensée conceptuelle soumise à des critères logiques et expérimentaux universalisables ou la pensée poético esthétique personnelle et originale aux dépends de la pensée métaphorique et mythique collective ritualisée ; elle a valorisé, en droit sinon en fait, la pensée critique universaliste ainsi que, sur l’autre versant, le conscience personnelle esthétique aux dépends de la pensée religieuse soumise à une révélation sacré.
- Erronée car cette succession apparente, due à un changement de l’idéologie dominante de légitimation sociale et culturelle, masque et recouvre une coexistence de fait et de droit entre plusieurs fonctions du langage et donc plusieurs niveaux ou formes de conscience toujours contemporains. Cette coexistence entre la pensée religieuse et la pensée rationnelle peut prendre selon les domaines et les situations une forme conflictuelle ouverte ou peuvent s’allier subtilement en s’exploitant mutuellement (glissement de la métaphore religieuse au concept et vis-versa) comme la métaphysique nous en donne l’exemple (voir plus loin).

Nous pouvons distinguer avec Austin deux usages du langage et trois fonctions : l’usage descriptif/explicatif et l’usage performatif et rhétorique ; le premier renvoie à la fonction locutoire qui tente de rendre compte « objectivement » d’un référent extérieur au sujet, réel ou imaginaire (récit chronologique ou formalisation logique), le second à la fonction d’expression et de communication des affects, des normes et des valeurs du désir subjectif dans le but de maintenir ou de provoquer des relations d’empathie (identification collective, coopération, solidarité, amour, etc..) et d’antipathie (conflit, exclusion, mépris, haine etc..) entre les individu et les groupes et/ou à la fonction qui a pour finalité d’instituer une relation de pouvoir et/ou d’autorité sur les autres ou sur soi-même (commandement, persuasion, suggestion etc..).
 

3) Fonctions du langage et conscience politique.

Le langage métaphorique et symbolique lie les sensations externes à des émotions et désirs internes ; or ceux-ci sont modelés par des croyances collectives et mythologiques constitutives de ce type de langage qui fusionnent les désirs des individus ainsi canalisés et orientés avec la réalité naturelle et/ou sociale dans laquelle chacun peut recevoir une identité collectivement instituée, sinon toujours autovalorisante, du moins désangoissante, et cela en vue d’intégrer les individus à une communauté dont le fonctionnement et les structures sont ainsi « naturalisée » par l’effet de cette fusion et partant rendues incontestables. L’institution du lien social est produite par le langage symbolique métaphorique et les rituels qui accompagne l’usage et la transmission de celui-ci sont nécessaires à sa reproduction du désir d’appartenance qui, dans les sociétés comunautaristes traditionnelles, produisent la conscience politique (intérêts communs versus intérêts privés, volonté générale versus volonté personnelle, peuple versus multitude).
Cette fonction de construction du social qu’opère le langage performatif (voir l’état comme homme imaginaire avec cerveau, corps et membre chez Hobbes) est marquée par des valeurs symboliques en référence desquelles s’ordonnent des relations de pouvoirs qui  en tire leur légitimité (acceptabilité consensuelle). C’est là qu’intervient, dans les sociétés traditionnelles non libérales, le langage religieux comme fondement du politique: il verrouille dans l’absolu l’ordre des valeurs collectives en leur conférant une valeur transcendante, surhumaine et sacrée ; il se présente comme détenteur du sens suprême de l’existence individuelle et collective ; il soumet à l’autorité révélée d’un discours mythique d’autant plus indiscutable qu’il s’entoure d’un halo de mystère en colportant des énoncés dont le sens et la cohérence échappent à l’humaine logique et à l’expérience empirique. Les fidèles, pour fuir l’angoisse de la déréliction, de la souffrance et de la mort, s’accrochent aux promesses de salut que ce discours orchestre et exploite et acceptent le pouvoir incontestable de ceux qui, chefs et sous-chefs, investis d’une mission divine et salvatrice, exigent d’eux, pour mériter le salut, une inconditionnelle obéissance. Le comble du pouvoir politique et communisant du langage est atteint par le discours religieux. Tous les ersatz philosophico-rationnels du discours religieux, visant à instituer une métaphysique laïque éthique et/ou politique pour resacraliser le politique et le droit dans les sociétés libérales, sont et seront l’objet de contestation qui nourrissent à l’infini le débat démocratique sans qu’aucun consensus, autre qu’imposé par un rapport de force politique, social et économique circonstanciel, ne soit possible. La démocratie ne prétend plus être fondée sur une vérité sensée unique et universellement valable qui, ferait disparaître les conflits, elle traite au contraire le conflits des valeurs (guerre des Dieux) par le recours à la procédure de l’élection majoritaire qui installe le provisoire et l’alternance au cœur de la décision politique. Ce faisant le discours politique, dans l’état démocratique et laïc, se voit contraint, pour persuader des majorités changeantes, de faire usage d’une rhétorique complexe qui lie d’une manière syncrétique la logique du discours universel et rationnel du droit à la rhétorique qui exploite plus ou moins abusivement l’autorité des sciences et les techniques en une idéologie technocratico pragmatique normative ouverte au jeu pluraliste des intérêts et des désirs et sensibles à leur rapports de force. Ce qui devient impossible et potentiellement dangereux pour les libertés démocratiques, c’est de prétendre fonder (religieusement ou métaphysiquement, deux démarches qui, avec des moyens rhétoriques plus ou moins rationalisés, visent le même but - fonder l’autorité politique en provoquant le consentement collectif et intériorisé par chacun à l’obéissance -) l’accord sur l’idée de bien commun et de volonté générale dont le discours politique démocratique se réclame sans cesse comme d’une fiction régulatrice légitimante nécessaire mais dont, pourtant, le contenu, sinon la forme (droits-libertés), se dérobe sans cesse sous l’effet des conflits, devenus inévitables, d’intérêts, de valeurs et de désirs. Toute utopie qui prétendrait réconcilier les hommes par le recours à l’autorité d’un langage politico-métaphysique religieux et/ou philosophique est liberticide et, dans son fondement et sa visée, antidémocratique. Le religion philosophique républicaine, sans disposer pour cela de la puissance symboliquement terrorisante du discours religieux irrationaliste, par laquelle certains tentent aujourd’hui (à mon avis désespérément) de réinstituer le mythe de la transcendance de l’état sur fond de nationalisme populiste est le dernier avatar de l’utopie communautariste de la réconciliation sous l’autorité d’un régime de droit divin. (R. Debray dans « La démocratie contre la république » le montre d’une manière conséquente, même s’il en tire des conséquences inverses des miennes : la république aux dépens de la démocratie ; la nation aux dépens de l’internationalisme etc)..

4) Langage, politique et philosophie : de la critique de la philosophie à la philosophie critique.

Mais la question est alors de savoir si, pour construire le lien social et politique, une société peut se dispenser du langage métaphorique performatif, religieux et/ou métaphysique, fondé sur l’illusion que la fusion du réel et du désir collectivement orchestré et l’absolu communautaire sont réalisables (illusion qu’opère le recyclage permanent de la vision théocratique de la politique) ou si l’on est condamné à recycler cette illusion en réinventant des mythes et des rituels pour en perpétuer (de plus en plus difficilement) l’efficace, au risque de basculer dans la violence intercommunautaire dont les effets seraient incontrôlables et potentiellement génocidaires pour l’espèce, à l’heure de la mondialisation de l’économie, des rapports sociaux et de l’information et des armes d’extermination universelle. Je pense quant à moi qu’aujourd’hui, si l’on veut éviter le pire, il convient de désenchanter la politique pour mettre ses présupposés régulateurs en cohérence avec une vision libérale, pluraliste et donc individualiste de la démocratie qui semble l’horizon indépassable de l’histoire moderne après l’effondrement tragique des rêves communautaristes pseudo-rationnels et laïcs. Et pour ce faire
il convient, dans le domaine politique et éthique de s’inspirer de l’autre fonction du langage : celle du langage rationnel et critique inventée par les sciences et les techniques modernes ; celle qui tend à limiter les effets négatifs des illusions euphorisantes collectives par l’usage de concepts et de règles normatives opératoires dont il est possible de réévaluer sans cesse la pertinence et la justesse théorique et pratique dans des contextes rigoureusement déterminés de l’expérience empirique en vue de favoriser le progrès des connaissances (des phénomènes dits naturels, des hommes et de soi) et des techniques, de réduire le risque de violence et d’accroître l’autonomie régulée des individus. La conscience de soi, réflexive et autorégulatrice, suppose en tout cas que chacun se déprenne de la fascination du langage métaphorique religieux (qui produit un sentiment d’appartenance à une identité collective préétablie, confessionnelle ou nationale) en vue de cimenter les comportements au profit de sa mise en déroute esthétique individualiste (voir l’art contemporain) et de son évacuation hors du champs du savoir et de l’éthique (personnelle et politique) par la pratique méthodique du doute expérimental et pragmatique. Il est, pour ce faire, nécessaire de purger la philosophie qui a été le ferment idéologique de la pensée politique moderne non théocratique (areligieuse pour ne pas dire athée) de la société libérale pluraliste (dont les conditions sociales et économiques restent à concilier à l’échelon de monde non pas avec l’idéal mais avec les conditions de fonctionnement de le démocratie réelle, individualiste et égalitariste.) de tout recours à de pseudo-concepts métaphysiques qui ne sont que des croyances religieuses sans contenu empirique assignable, habillées de raisonnements dogmatiques circulaires et donc sophistiques (exemple : la théologie et ses soi-disant preuves de l’existence de Dieu, la prétendue démonstration rationnelle de la nécessité du postulat du libre-arbitre et des impératifs catégoriques etc..). L’analyse critique du langage par Wittgenstein et Austin peuvent nous y aider, à condition de commencer par y soumettre le langage de la philosophie qui comporte le pire (l’illusion idéaliste et métaphysique) et le meilleur (la mise en question rationnelle des concepts) d’une manière, j’en conviens, très embrouillée. Reste enfin à nous poser la question des rapports entre les jeux de langages, les jeux politiques et les jeux du désir incarnés dans des moyens techniques de production et d’expression pour rendre possible une réflexion philosophique critique digne de ce nom, c’est à dire capable de produire des contenus de conscience plus lucides, conditions de l’accroissement de la puissance d’agir de notre désir de vivre dans le monde qui nous donné pour le transformer en un sens favorable au droit universel au bonheur ici et maintenant, seul fondement non métaphysique de tout droit libéral !

Sylvain Reboul, le18/08/99 



La connaissance de la conscience, la métaphysique, les sciences et l'éthique

La question de la nature de la conscience et de sa connaissance ne peut, et nous le savons depuis Kant, qu'être une
question scientifique: toute hypothèse transcendante, sur le plan du savoir universalisable et expérimental (donc
rationnel), est nécessairement improductive, voire fait obstacle au développement des connaissances objectives. la
meilleure synthèse scientifique des recherches en cours se trouve dans l'ouvrage de Stephen Pinker qui dirige le centre
de recherche des neuroscoences cognitives au MIT: "Comment fonctionne l'esprit" chez Odile Jacob (mars 2000).
L'auteur y développe une conception expérimentable et expérimentée (au deux sens du mot) stimulante du
fonctionnement de l'esprit, à l'articulation, particulièrement féconde et fécondante, des sciences cognitives
(computationnelle), de la biologie (génétique et sélection naturelle) et de l'informatique. Par un paradoxe qui n'est
qu'apparent, sa position renforce, transforme et enrichit celle de Kant, à savoir qu'il n'y a rien dans le fonctionnement de
l'esprit qui ne fasse intervenir des conditions "transcendantales" a priori (computationnelles) et ce qui, pour autant,
interdit d'en faire des conditions "transcendantes" existantes. Cette distinction capitale nous permet de comprendre en
quoi la position de Kant n'est pas métaphysique mais aujourd'hui scientifiquement expérimentable: tout autorise à penser, que ces transcendantaux, dont Kant ne pouvait précisément définir l'origine et le mode de fonctionnement
(processeur et algorythmes en cause) dans le domaine du traitement des informations et qui  recouvrent, la perception , la langage et son usage, voire la vie éthique et sociale existent réellement dans le cerveau.

Il reste alors la question de savoir en quoi il est nécessaire d'admettre une transcendance métaphysique de la conscience
comme croyance rationnelle (et non savoir) pour sauver et fonder la morale. À mon sens cette question renvoie à la
problématique suivante: La morale (absolue) doit-elle transcender l'éthique? Cette absolutisation de la morale est-elle
efficace pour réduire le risque de violence et accroitre le bien-vivre dans un relation positive et sensible aux autres? Ou
bien l'éthique produit-elle la morale pour préserver les règles de vie de toute contestation rationnelle pragmatique (le
devoir jusqu'au sacrifice de soi contre le recherche et le droit au bonheur)? Si l'on opte pour la deuxième position, par
réalisme pragmatique et libéral, comme savent très bien le faire les penseurs (pourquoi pas les philosophes?)
anglo-saxons, le rapport entre connaissance et éthique est complexe: d'une part, l'éthique est de l'ordre du désir d'être
heureux (au sens de joie) et de sa régulation pragmatique et sociale; elle exige que l'on reconnaisse les conditions
universelles du bien-vivre avec soi et les autres, et en ce sens elle doit finaliser la connaissance; mais, d'autre part
,connaître son désir d'être et les conditions qui l'affectent positivement (désir créateur et aimant) ou négativement
(illusions passionnelles et haineuses ou réactives) est la condition de toute régulation efficace et pragmatique du désir.
Il convient alors de remettre en question la morale kantienne à la lumière d'un spinozisme renouvelé à la lumière du
développement des sciences neuro-cognitives.
S.Reboul, le 20/06/00

Note: Kant est très clair sur ce point: la métaphysique rationnelle ne peut pas être une connaissance; elle est une "illusion transcendantale", car elle donne à des concepts de l'entendement, comme formes pures, une valeur et une signifacation objectives en dehors de toute expérience possible. De ce fait tout et le contraire de tout peut être affirmé sur cette prétendue réalité métaphysique sans pierre de touche pour trancher (voir la dialectique de la raison dans la CRP).
Le transcendant réellement existant (ex: existence de Dieu, voire la liberté comme libre-arbitre métaphysique, la transcendance de la conscience et de la pensée sur le cerveau) est, pour Kant, un postulat indémontrable de la raison pratique, une croyance moralement nécessaire. Ce que je mets en question en mettant en question le morale kantienne dans son ensemble: voir sur mon site: "Critique de la raison morale". et L'illusion moraliste.
Ceci dit, hors du champs de la raison, libre à chacun d'imaginer un dieu à son image et à l'image de ses valeurs
personnelles et collectives qui étayent ses désirs, mais que cet imaginaire ne prétende pas être une vérité réaliste valant
pour tous. La croyance subjective est une chose, la savoir objectif en est une autre. Ce pour quoi le transcendantal n'est
pas le transcendant, sinon nous retombons dans l'illusion transcendantale justement critiquée (et,à mon
avis,définitivement) par Kant.
 



            L'illusion politique
                L'illusion moraliste.
                Critique de la raison morale
            Vérité et vraisemblance
            Retour à la page d'accueil